JADE avril/mai 1997
par Blanquet
La première fois que j’ai vu son travail saignant, c'était sur une pochette de disque de Jean-Louis Costes. Je l’ai aperçue ensuite dans d’obscurs graphzines. Découverte plus encore à travers des expos et des livres que lui édite CBO.
Cest Anne Van der Linden, lartiste -peintre qui aurait sûrement été brûlée au Moyen-âge comme sorcière.
Tu représentes presque toujours des choses saignantes et sexuelles. Comment en es-tu arrivée là ?
Ca remonte à loin. Javais 15 ans environ quand jai fait ma première image de sexe: une broderie représentant une sorte de monstre femelle, avecun sexe rose-rouge ramifié comme une algue. A lépoque je me demandais comment étaient faites les autres femmes. le sexe féminin (fonction etorgane) est très secret. Cette broderie était aussi une question urgente et pénible, en forme de comparaison avec les autres... et je crois quejen suis restée là. Mes toiles sont un lieu de confrontation très investie avec ce qui mentoure...le ring !
Tes influences viennent essentiellement de la peinture ?
Je digère mal les influences picturales. Je mets un temps fou à me remettre dune image qui mimpressionne.
Je préfère voler chez les gens que japprécie, comme les poils des personnages de Tomeu Cabot, ou les positions des femmes de Crumb... Les événements de ma vie minfluencent beaucoup aussi... Ils ressortent dans mes toiles de façon incontrôlée, comme dans les rêves: telle rencontre, telle situation apparemment anodine... jaime constater que ça fonctionne sans que jen aie vraiment conscience. Ca me donne limpression dêtre une machine performante, bien huilée.
Tes interventions scénique dans les shows de Costes sont-elles aussi importantesque ton travail pictural ?
Jy suis une employée, alors quavec ma peinture cest moi le Pdg. Comment ne pas préférer ça ? Ceci dit, je me suis prise au jeu de théâtre, je trouve de plus en plus de liens entre mes peintures et mes jeux scéniques.Façon de tri-dimensionner ma peinture en faisant un peu dexercice. Je vais peut-être continuer ça, avec ou sans Costes dailleurs.
Tu exposes souvent dans des lieux dits marginaux. Est-ce une démarche volontaire?
Ces lieux sont comme ma peinture, en marge parce que le contexte ou le produit proposé ne nous permettent pas dêtre au centre.Cest pourtant ce queje veux: mettre mes trucs bien au centre. Si une grosse galerie ou un lieu institutionnel me faisait une proposition correcte, je dirais oui. Mais ça na pas lair dintéresser ce genre de lieux. On finit par être agacé dattendre les permis de diffuser...Mon héros est Gustave Courbet, qui a le premier créé ses propres lieux dexposition, quand les officiels lui refusaient laccès aux salons.
Comment perçois-tu la presse en général?
La presse flaire le vent comme un chien flaire les crottes dans la rue... Quitte à la comparer à un animal je la voudrais plus loup dans le bois. Mais elle a aussi un tel pouvoir que ça me brouille l’esprit parfois - enfin, voyez que ça ne m’empêche pas de jouer le jeu !